2024 : Métamorphoses ou l’art d’accoucher de soi

2024 : Métamorphoses ou l’art d’accoucher de soi


Mes inspirations 2024

Accompagnent vos espoirs et vos chagrins pour cette nouvelle année sous le signe des

METAMORPHOSES

ou

 de L’ART D’ACCOUCHER DE SOI

Chez CLAIRE RIVAGES

Je vous embarque pour 2024, en réflexion autour de cette phrase tirée du Manuel d’Épictète. Il prône la liberté intérieure et expérimente la liberté acquise après avoir été affranchi de son statut d’esclave.

Cette réflexion antique, nous éclaire subtilement sur notre temps moderne et souligne notre aptitude à métamorphoser ce qui peut l’être et à déposer ce qui ne peut pas l’être pour accomplir notre transformation.

De toutes les choses du monde, les unes dépendent de nous, et les autres n’en dépendent pas. Celles qui en dépendent sont nos actions, nos mouvements, nos désirs, nos inclinations, nos aversions ; en un mot tout ce qui est notre œuvre propre. Celles qui ne dépendent point de nous, sont le corps, les biens, la réputation, les dignités ; en un mot, tout ce qui n’est pas notre œuvre propre

Épictète, Manuel (publié autour de l’an 125)

Faire de sa vie une œuvre d’art

Portrait de Michel Foucault,  par Nemomain (CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons)

« Nous devons être, les artisans d’art de notre propre vie, et pourquoi la vie de chacun de nous ne peut-il pas être une œuvre d’art ? »
Michel Foucault, Entretien avec ses étudiants (1983)
Philosophie Magazine / Hors-Série n°36 / Hiver 2018

En cette nouvelle année, quelle sera votre œuvre propre, autrement dit votre chef d’œuvre à vous, nous qui sommes aux croisements de changements pharaoniques et d’une dispersion de notre identité narrative et émotionnelle.

En effet, j’ai pu constater en vous accompagnant chez beaucoup d’entre vous, une tension grandissante au-delà de la question existentielle et de l’épanouissement de soi ; une tension entre l’exigence de l’harmonisation à soi et l’accueil des discordances qui mettent en péril l’identité, au sens large et profond du terme.

Il nous faut plus que jamais rendre compte de la dispersion de notre moi individuel (autrement dit notre histoire) et de notre moi collectif (c’est-à-dire l’Histoire).

Plus que jamais raconter cette dispersion de l’humain, au profit de forces insondables et troubles qui seraient pour ma part, non pas de l’ordre des choses mais de l’ordre du monde. Celles qui nous secoue ou nous immobilise forment ici le point d’ancrage de toutes les métamorphoses et de l’accouchement à soi.

Nous rêvons, vous rêvez tous d’un changement profond, et l’année qui s’annonce nous invite, rêveurs que nous sommes, à caresser l’espoir des métamorphoses du possible et de l’impossible, c’est cela aussi être mortel.

Chaque page de notre fragile existence, doit ouvrir ou fermer des portes qui nous, vous, signalent toutes les infinités possibles, en termes de significations, de représentations mais aussi d’interprétations et d’impossibilités.

Quatre Tableau de MC ESCHER, Les métamorphoses (MARCO AURÉLIO ESPARZ…, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons)

Comment nous penser nous-mêmes, nous transformer au milieu de toutes ces mutations, génétiques, culturelles, biologiques, politiques, psychiques, émotionnelles, relationnelles et sociétales ? Il nous faut raisonner autrement, sentir autrement, nous ancrer autrement, créer autrement, être en lien autrement avec nous et avec le monde pour que la métamorphose opère son processus intérieur.

En définitive, nous sommes, nous, les sujets modernes de 2024 dans une projection du moi, synonyme d’individualité et d’unicité. Hier, pour les Anciens, le moi était plus une réalité métaphysique identique à chacun et universelle qu’il fallait saisir et s’approprier.

Aujourd’hui, deux questions persistent et nous obligent à creuser pour accoucher de soi dans une narration de notre histoire dans l’Histoire, qui soit un moyen de tenir ensemble à la fois l’unité (puisqu’il n’y a qu’une histoire) et le divers (puisqu’il y a de multiples moi).

Mon premier vœu

Chères exploratrices, chers explorateurs, dans la quête spirituelle qui nous animent, mon premier vœu serait que nous puissions tous rendre compte de la dispersion identitaire dans notre histoire afin d’en faire une unité, une harmonie cohérente et sensible.

Face à l’ordre du monde inchangeable, nul n’est obligé de rompre et de se dissoudre. Au contraire, emprunter le chemin des choses subjectives, singulières, changeables, transformables et métamorphosables serait plus que jamais la boussole à suivre en 2024.

Les grandes questions à aiguiser pour élargir nos horizons et que nos vœux se réalisent comme une création à nous tous, sont les suivantes :

  • Existe-t-il une unité ou bien une évolution à travers le temps du moi dans mon corps ? dans mon âme ?
  • Comment la réalité du moi peut-elle rassembler tous ces états successifs et pourtant bien distincts ?
  • Quelle unité du moi est alors possible ?

Métamorphose vient du grec meta (au-delà) et morphos (la forme). C’est le passage d’un premier état à un autre profondément différent.

Le moi est un concept traditionnel de la philosophie. Il fait référence à des réalités bien distinctes selon les époques où il est abordé. À l’origine, le moi est associé à la conscience du sujet comme invariant mais un sens plus moderne l’associe à la personnalité et au caractère unique d’un individu.

De l’antiquité ou le moi n’est pas un sujet d’interrogation en lui-même. Pour Aristote, élève de Platon, il décrit la tension qui existe entre les actes que je réalise et ce que je pourrais être, et il conclue que par la force des répétitions et d’habitudes différentes, nous pouvons dans nos actes opérer une métamorphose de notre moi.

MICHEL DE MONTAIGNE par Antoine Maurin, (Public domain, via Wikimedia Commons)

C’est au XVIIè siècle que se révèle une véritable révolution dans la pensée du moi. Le moi se retrouve au centre du monde pour nous les sujets pensant. C’est une substance universelle et non individuelle qui n’est pas assimilable à l’identité personnelle : c’est une sorte de fil rouge qui relie l’extérieur à l’intérieur, au fondement du tout et de la raison. Par son fameux cogito ergo sum, René Descartes place la conscience individuel au centre de la réflexion philosophique : c’est la (re)naissance du moi et de la notion même d’individualité.

Une rupture va se dessiner au XIXè siècle, voilà la révolution ! Durant le romantisme, les penseurs vont marquer une fracture avec les anciens, faisant exploser l’exceptionnalité du moi de l’individu : son caractère unique et sa singularité va naitre. La puissance poétique des passions (qui signifie souffrance en latin) vont se décliner comme un chant des mélancolies, des pulsions et des désordres de l’âme, et là, tout vole en éclat.

Nous pensons aujourd’hui que le moi enfant n’est pas le moi adolescent qui n’est pas le moi adulte. Le moi est pluriel et singulier à chacun, il a le pouvoir des métamorphoses…Nous pouvons le sculpter dans une spirale du développement de notre humanité et de l’accouchement de soi ou nous pouvons le laisser ranger là dans notre cabinet intérieur comme une curiosité, une étrangeté, une diversité insaisissable.

J’aime la métaphore de la spirale, elle nous rappelle qu’une interactivité féconde et dynamique sont à explorer, à mettre en mouvement par le sujet que nous sommes mais aussi par ces choses qui nous habitent sans y avoir été invité.

Le philosophe Paul Ricoeur, penseur que je recommande vivement et plus spécifiquement son livre Soi-même comme un autre (1990)  va vous ouvrir des chemins inexplorés et infinis. Il déclare :

L’identité narrative est une tension entre l’exigence de concordance et l’admission de discordances qui mettent en péril l’identité.

Il est vrai que je ne suis jamais le même et que le moi est changeant, mais pourtant je ressens une forme de continuité dans le moi, de permanence. On pourrait croire qu’il s’agit d’une unité psychologique ou biologique mais le passage du temps ne semble pas affecter cette cohérence interne. Cette unité propre à chacun, c’est ce que Ricœur appelle l’identité narrative.

Pour lui, la seule manière de témoigner de la dispersion du moi est de raconter continuellement l’histoire de ce moi qui se disperse.

La narration est un moyen de tenir ensemble à la fois l’unité et le divers (puisqu’il y a de multiples moi). Parler de nos dispersions, de nos changements continuels dans une histoire, c’est commencer à en faire un tout unifié et cohérent.

Le moi romantique représenté à travers Le voyageur au dessus de la mer de nuages par Caspar David Friedrich (Public domain, via Wikimedia Commons)

Nous avons et vous en faites l’expérience dans votre travail avec moi, un sentiment d’étrangeté nous envahi parfois. Nous sommes en fait toujours l’étranger de nous-même, de soi et du monde dans lequel nous vivons. Je l’expérimente sans cesse dans des scenarios scénarisés de vos souffrances qui permettent de relier l’autre, l’étranger, l’inconnu avec vos bruissements intérieurs autour de nos peurs, de nos désirs, de nos sensations, nos émotions, nos espérances.

Nous écoutons alors dans une narration nouvelle de nous-même, une métamorphose qui se déclenche dès que nous ne fuyons plus notre terre d’exil intérieure, notre sanctuaire des vivants, nous entendons, silencieusement, spirituellement, cette musique ainsi que l’histoire qui l’accompagne dans la narration de notre moi. Pour ça, il nous faut lâcher nos certitudes et nos peurs du changement. Pour activer le mouvement de la vie et créer notre symphonie, espace sonore de nos métamorphoses en devenir.

Notre soif d’un moi que nous voulons connaitre mais aussi entendre, c’est ce que le philosophe Comte-Sponville a décrit dans cette phrase sublime « le murmure confus du bruit de nos âmes ». Nous gagnons alors notre faculté de transfigurer le réel, et plus ce murmure est riche, plus nous affrontons le réel et notre créativité peut entamer enfin cette métamorphose.

Mon second vœu pour vous tous

Et si cette métamorphose était une expérience moderne et subjective ?

Cette métamorphose présuppose un mouvement vers l’intérieur pour ensuite se relier par soi à l’extérieur, au monde des différences et des diversités. La subjectivité qui hante nos sociétés tant elle se frotte aux objectivités, comme la douleur se frotte à notre condition d’origine et à notre éphémère.

Il nous faut prendre conscience de nos peurs, les plus intimes, cette peur particulière et subjective amène à répondre en conscience à son désir. De la barbarie à notre humanité, c’est parfois l’histoire d’un fil rouge si peu dénoué qu’il nous enserre. Du monde moderne et de ses violences visibles et invisibles, les peurs font tellement partie de notre condition humaine qu’elles s’infiltrent partout. Elles creusent, bien souvent, la faillite de nos capacités de discernement et nous réduit à notre état primitif.

Pour s’extraire de la dépendances à ces peurs, il est utile de convoquer les entités concernées : fantômes, vampires, sorcières, loup-garou, monstres, ogres. Quand on les cherchaient enfant sous notre lit, on a bien vu que rien ne s’y trouvait. Mais en regardant à deux fois, on y retrouve parfois quelques trésors…  qui sont les racines de nos métamorphoses. En regardant le visage de nos peurs, nous transformons et nous acceptons que l’ordre du monde ne soit pas modifiable. N’est-ce pas une illusion de croire que la bête immonde ne serait pas dans l’ordre du monde ?

(Jean-Jacques Le Veau, Public domain, via Wikimedia Commons)

Cette gravure est une illustration du troisième livre des Métamorphoses d’Ovide, poète romain né au 1er siècle av. J.-C., et probable inventeur du terme métamorphose. Cette scène représente la transformation de monstres cornus (les Cérastes) en taureaux par Vénus. Ils pratiquaient des sacrifices humains sur les hôtes de passage, profanant ainsi le temple de Jupiter Hospitalier, et furent ainsi punis par la déesse de l’Amour.</>

L’idée du monde comme racine des souffrances

De mon rivage, Le monde n’est ni triste ni gai.
Il est là : il existe. Voilà tout.
Ce n’était pas le monde qui me faisait souffrir, mais bien l’idée que
je m’en faisais.
J’ai appris à accepter le monde sans le juger, ni le condamner.
Totalement, inconditionnellement.

C’est ici, une première métamorphose à ancrer pour une renaissance authentique de soi.

Dans ce mouvement, je me sens à présent en accord avec moi-même, avec les autres et avec le Monde. Un profond sentiment de paix, de sérénité, de plénitude envahit mes énergies et mes rêves pour vous.

Pour cette nouvelle année 2024, je vous souhaite de passer comme le dit cette phrase mystérieuse tirée du conte des trois portes de la sagesse : du silence de la plénitude à la Plénitude du Silence.

Et plus encore, que notre vraie métamorphose s’enclenche en s’acceptant soi-même de façon inconditionnelle, il ne s’agit plus d’aimer ou de refuser une partie de son moi, car ici, nous nous condamnons à ne jamais être en accord avec soi-même et notre mouvement de vie s’arrête de l’intérieur, bloquant la métamorphose qui est le graal de notre lumière et qui se réfléchit subtilement sur le monde.

Belle et grandes métamorphoses pour 2024.

Je vous remercie pour votre fidélité et votre confiance,

Claire Rivages

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