Notre SOI est indestructible

Notre SOI est indestructible


Et si nos pensées étaient comme des relations mortes à SOI…
Alors que notre SOI est une relation vivante à MOI…

La quête de l’estime de soi

La quête de l’estime de soi semble être devenue une préoccupation majeure. Cette recherche peut-elle parfois vécu comme une contrainte ?

Absolument. Dès lors qu’il s’agit d’avoir un jugement sur soi, l’enjeu peut être écrasant. Si on vous encourage à avoir une bonne opinion de vous-même, cela implique que vous avez des pensées sur votre SOI, une sorte d’évaluation, et il faut être prudent avec cette approche…

PORTE VERS L’inconnu – Jean-yves Pinet

Se libérer de l’image de soi

Se libérer de l’image de SOI est primordial, car le SOI est un lieu d’observation duquel on voit tout le reste : le monde extérieur, nos pensées, et il reste un point de vue inaltérable sur ce qui nous entoure.

En fait, quand on imagine que nous avons un SOI, on se représente quelque chose de solide, de stable, de figé, une sorte de caractéristique, une collection de ce que « nous sommes » : nos goûts, nos aspirations, désirs, émotions, forces, peines, incompréhensions, qualités, défauts, souvenirs.

Le souci, c’est que, d’un point de vue psychologique, le fonctionnement mental est caractérisé par un mouvement permanent : mouvement de pensées, d’images mentales, de ressentis, de souvenirs, d’intentions passagères. Ce que nous faisons constitue des comportements : aller au travail, ranger la maison, payer ses factures, aller au restaurant, etc. Tout ceci résume des comportements d’action physique et cognitive – pensées, émotions, souvenirs, intentions, etc.

Le Soi n’existe pas en tant qu’objet. Alors, qu’y a-t-il de figé et de palpable là-dedans ? In fine, le Soi n’existe pas en tant qu’objet ou en tant qu’entité possédant un contenu. Mais alors, d’où vient ce sentiment d’avoir un SOI qu’il nous faut retrouver pour s’harmoniser ?

L’homunculus

Il faut imaginer un petit bonhomme appelé HOMONCULUS qui se trouverait aux commandes de notre corps, de nos émotions, de notre esprit, comme un capitaine de navire.

L’impression que nous avons d’être quelque part dans la tête de notre corps, comme aux commandes d’un robot, est souvent associée à l’idée ancienne d’homuncule et reprise par exemple de façon plus contemporaine dans les personnages du dessins animés Goldorak.

C’est au XVIIIe siècle que les philosophes imaginaient pour la première fois, à l’intérieur de notre tête, un petit homme qui verrait et piloterait tout ce que nous faisons. Il est un point crucial central autour duquel tout est périphérique. Le soi est l’acte d’observation qui permet de voir nos comportements, nos actions, nos pensées, etc. Il n’existe pas au sens physique mais métaphysique. Il symbolise la complexité et l’envoûtement de devenir SOI. Ce ne serait qu’un point de vue, ce n’est pas un objet mais un sujet touchant à l’être, l’âme, la partie invisible de notre construction. Il n’est ni bon ni mauvais, il est notre perspective dans nos agissements, nos pensées.

Le sentiment de continuité du Soi

L’impression que nous avons d’être une bonne ou une mauvaise personne, capable ou défaillante, médiocre ou douée, est-elle le fruit d’une illusion ?

Le sentiment de SOI est intuitif. Je fais souvent un exercice où je demande aux personnes de visualiser et de faire ressurgir un souvenir entre 6 et 7 ans, puis de se rappeler le jour où elles ont réussi quelque chose comme le bac, un examen, le permis de conduire, une relation amoureuse, etc. Ensuite, je leur demande de se remémorer le pire moment et encore le meilleur de leur existence. Ce sont là plusieurs moments différents : les émotions, l’environnement, les actions, rien n’est commun entre les contenus mentaux associés à ces époques différentes. Pourtant, les personnes ont un sentiment de continuité. L’énigme, c’est que malgré les fluctuations de la pensée, les changements du corps, les altérations des liens avec autrui, les choix de vie intervenus entre-temps, on a le sentiment profond d’une continuité. C’est parce que le point d’observation n’a pas changé. C’est la perspective sur les choses qui reste la même.

La stabilité illusoire de nos pensées et émotions

Alors, pourquoi concluons-nous toujours que nos pensées et nos émotions sont stables ? En quoi est-ce utile vis-à-vis des autres ?

Dans notre vie quotidienne, tout le monde s’adresse à SOI comme si le SOI était un objet. Nous avons une identité et nous sommes chargés de nous y tenir, que ce soit en famille, au travail ou dans d’autres domaines de la vie. Et cette identité doit être constante et repérable. C’est peut-être un avantage pour la vie en société, mais c’est un artifice. Force est de constater que nous courons après cet artifice, que nous cherchons à trouver notre identité, à la développer et à l’estimer. Parallèlement, ce Soi a intérêt à être valable, conforme à certains critères désirables. Les pensées qui se déroulent à l’intérieur de nous-mêmes ne nous définissent pas.

En réalité, on présente la bonne estime de soi comme la capacité à avoir moins de pensées négatives à propos de soi et plus de pensées positives. Mais en réalité, avoir une bonne estime de soi devrait consister à se rappeler que l’on est en train d’observer des pensées qui viennent dans notre champ de conscience mais qui ne sont pas nous.

CHEMIN OMBRAGÉ – Jean-yves Pinet

Défusionner de nos pensées

Il est impératif de prendre de la distance vis-à-vis de nos propres contenus mentaux. Si vous considérez que vos pensées décrivent la réalité de manière exhaustive, qu’elles disent vrai et qu’il faut leur obéir, alors vous êtes dans une posture que l’on qualifie de FUSION avec vos pensées.

Dans cette posture, vous n’arrivez plus à distinguer que ce sont des objets périphériques à votre SOI, qui, lui, n’est pas un objet. Il y a confusion entre notre SOI et nos pensées. C’est pareil avec la dépression : si vous n’arrivez pas à vous dégager de ce flux mental négatif, à comprendre qu’il ne s’agit que de productions de votre esprit et que cette production ne définit pas votre SOI, alors rien ne peut changer, se métamorphoser, puisque tout est attaché à ce flux d’illusion.

L’évolution de nos pensées

D’ailleurs, vous savez que vos pensées ne sont pas statiques, qu’elles se succèdent en permanence. Dès lors, vous comprenez en conscience que n’importe quelle pensée peut surgir. Nous avons tendance à être en fusion avec nos pensées car c’est le mode de fonctionnement usuel, normal, mécanique, systémique. C’est pour cela que nos pensées sont efficientes et nous impactent dans notre environnement, nos actes. Il faut ici ne pas croire que nos pensées sont la réalité pour autant.

Vous pouvez leur faire confiance pour étayer un raisonnement face à une situation ; elles peuvent vous aider à manipuler des objets abstraits, à vous projeter dans le futur, à prendre des décisions, mais il faut savoir s’en détacher de temps en temps. Il faut être dans le monde sensible, en « dé-fusion » dans notre perception et investigation à nous connaître. C’est-à-dire la faculté de ne plus s’intéresser à ce que racontent vos pensées, les laisser parler sans leur obéir ni discuter avec elles. Nous ne sommes pas obligés de croire à tout ce que l’on pense et notamment à tout ce que l’on pense à propos de soi.

L’approche consumériste de nos pensées

Nous avons une approche « consumériste » par rapport à nos pensées. Je choisis ce mot à dessein car nous avons tous le choix de faire « notre marché » parmi ces offres mentales et ces différents discours sur nous-mêmes. Il faut intégrer que nous ne sommes pas ce que nous disons à propos de nous. En définitive, nous serions des portes et nous choisirions d’ouvrir et de laisser filer nos pensées ou de fermer les portes et de nous immobiliser au gré des vents violents parfois de nos pensées… Si nous ouvrons cette porte intérieure et structurelle de notre psyché, nous entrons dans une posture d’observation de l’inconnu.

Cela exige, il est vrai, de devenir davantage spectateurs des jugements sur SOI que nous produisons en continu, en les regardant comme on regarde un film. On peut s’y plonger totalement mais aussi se souvenir qu’il s’agit d’un film.

Exercices de Visualisation et Dé-fusion : La Feuille et la Rivière

L’exercice qui permet de « dé-fusionner » est celui de la feuille. Vous fermez les yeux et dès qu’une pensée vous vient, vous imaginez une rivière qui emporte des feuilles dans son courant : déposez votre pensée sur une feuille et regardez-la s’éloigner. Vous prendrez l’habitude de constater que les contenus mentaux sont différents du SOI. La mauvaise estime de soi vient du fait qu’on ne retienne qu’un discours négatif ou positif. Ici, ce n’est pas la réalité mais cela témoigne d’un manque de détachement du SOI et de ses propres pensées.

Barque au bord de la rivière – Jean-Yves Pinet

L’Estime de Soi et le Détachement des Pensées

Quel que soit le marché que nous fassions dans ces différentes offres mentales, bonnes (narcissiques) ou mauvaises (dépressives), il faut garder à l’esprit que le SOI n’est pas le jugement sur soi.

Dans mon travail d’accompagnante et au-delà de la mémoire traumatique et du passé qui l’accompagne, une fois qu’on a compris, expérimenté, visualisé qu’il ne faut pas prendre pour argent comptant ses propres pensées, on réalise une mise à distance de nos discours intérieurs qui pourraient créer l’illusion d’un SOI figé et tangible. C’est une forme d’oubli de SOI, ou plutôt d’une illusion de SOI.

Interrogation sur la Matérialité des Pensées

Si nous nous interrogeons sur la matérialité de nos pensées, exercices à faire en se demandant :

  • Depuis combien de temps cette pensée est présente en nous ?
  • À quel moment est-elle apparue ?
  • De quel côté de notre tête est-elle arrivée ?

Ce type de questions vise simplement à mettre le contenu mental à distance, à l’observer comme des objets physiques et extérieurs afin de conscientiser la différence entre le point d’observation et les impressions elles-mêmes. Ainsi, nous libérons de la place pour travailler sur l’inconscient et ses fantômes, et surtout libérer et accepter enfin ses émotions pour laisser circuler l’énergie afin de vivre des choses épanouissantes.

Travail sur les Émotions

Avec les émotions, nous pouvons faire la même chose. C’est la théorie chère à mon travail sur l’acceptation et l’engagement. Il nous faut ancrer que nos émotions ne définissent pas notre MOI. Il nous faut accepter nos peurs et je dis souvent à mes patients qu’ils ne peuvent pas être détruits par elles, car ils ne sont pas cette peur. De cette posture essentielle dans la constitution psychique, nous nous mettons en mouvement et aussi en danger de voir ce que nous croyons savoir, l’illusion de ces pensées, juste avant nos peurs archaïques.

En étant habités par cette curiosité, il leur est possible de déclencher cette peur, l’accepter sans pour autant être annihilés par elle. L’acceptation n’est pas un outil pour ressentir moins de souffrance ; ce n’est pas une pirouette de langage comme je l’entends souvent, c’est véritablement une ascension qui nous autorise, nous permet de développer des expériences épanouissantes en libérant ces fameuses énergies qui nous envolent et nous font aller dans une posture à SOI en lumière, loin des obscures pensées spiraliques qui nous emprisonnent.

Travailler sur nos Valeurs et nos Croyances

Le travail doit aussi se poursuivre sur nos valeurs comme sur nos croyances en nos pensées. Si nous fusionnons trop avec nos valeurs, souvent les personnalités empathiques font le choix de cette fusion, humanistes, personnes dévouées à diverses causes, ou celles qui investissent l’amour comme une valeur absolue. Pourquoi pas… mais sachez qu’ici, chacun fait un choix avec son discernement en décidant clairement de la voie qu’il veut suivre.

Et ce choix, c’est vraiment votre SOI qui le fait. Il n’y a pas à l’estimer ou à le mésestimer pour cela, mais seulement à se demander si ce choix le rend plus libre et plus accompli. Le SOI est un lieu d’observation duquel on voit tout le reste. Même si tout change, notre SOI est un point de vue inaltérable sur ce qui nous entoure et un « sujet » d’une grande puissance.

Différences entre le Moi et le Soi

RAPPEL : On peut exprimer la différence entre le moi et le soi de la façon suivante :

  • Le moi est subjectif alors que le soi est objectif,
  • Le moi est individuel alors que le soi est universel,
  • Le moi est partiel alors que le soi est total,
  • Le moi est connu de nous-même, alors que le soi est caché ou reste à découvrir,
  • Le moi est illusion alors que le soi est vérité,
  • Le moi est mortel alors que le soi est éternel,
  • Le moi est conditionné alors que le soi est inconditionné.

Comment Communiquer avec Soi et après avec les Autres

Concepts de base pour développer une relation vivante à SOI. Être en relation, c’est offrir, construire et nourrir nos liens.

Se définir le plus clairement possible autour de 4 démarches :

  • Oser demander
  • Oser donner
  • Oser recevoir
  • Oser refuser

Quelques points supplémentaires :

  • Entendre les comportements comme des langages.
  • Sortir du système : question / réponse.
  • Mise en place de la visualisation.
  • Mise en pratique des symbolisations.
  • Derrière toute peur, il y a un désir.
  • Apprendre à négocier entre nos différents désirs.
  • Ni séduction, ni agression, mais affirmation de soi.
  • Nous sommes co-auteurs de toutes nos relations.

Invitation au Voyage : Tessiture du Soi

GUILLAUME BAUGE – TESSITURE DU SOI – 2020

Pour finir cette prise de conscience, je m’appuierai sur les pratiques narratives, versus écriture automatique. André Breton en était l’un des meneurs de ce courant appelé surréalistes et il est intéressant de le rattacher à l’exploration jungienne et plus largement sur le sommeil de notre conscience et le réveil de notre inconscient.

L’Exploration de Soi

Dans nos explorations à être Soi, nous touchons, comme le poète, à la surréalité, quelque chose au-delà de notre conscience, au-delà de nos archaïsmes de pensées. Peut-être, comme il le disait, surréalisme, sur-réalité ou simplement le fonctionnement de nos pensées qui serait, pour reprendre ses mots, sur-réel.

Peut-on aller au-delà du réel comme nous le faisions dans le monde de la pensée magique de l’enfance ?

Travail Psychanalytique

Tout le travail psychanalytique est un travail de la raison à l’émotion, du réel conscient à l’inconscient et dès lors, le « surréel » serait notre aptitude intuitive à laisser le processus de transformation en nous voguer librement vers une inspiration et non une aspiration. Juste un moment de désorganisation intérieure pour le sujet que nous sommes, en fait, comme dans l’imaginaire pur et spontané de l’enfance oublié pour beaucoup, les objets que nous manipulons sont souvent les marionnettes de nos pensées volatiles et instables.

Écriture Automatique

Breton nous disait que le mot, de nos productions mentales, est souvent un sujet qui pose un point nodal (nœud) prédestiné à des sens multiples.

Or, si nous écoutons « ce murmure » au travers la captation des images insolites, incongrues, bizarres de notre imaginaire, nous oublions de donner un sens réel à nos pensées. Nous sommes juste dans une traversée solitaire, un flot énergétique nous ramenant à l’observation tranquille, pure du premier moment de notre création et je l’expérimente à notre SOI, comme une colline d’observation. Ici, rien n’est calme, ni volupté, ni beau ou moche, mais l’écriture automatique nous permet une sorte de « porosité » de la frontière du SOI. En fait, c’est une façon de donner accès à des réalités psychiques, où moi et non moi ont droit de siéger côte à côte.

Illustration de l’Écriture Automatique

Ici, le dispositif préconisé de l’écriture automatique ouvre à la régression, un retour à l’enfance autorisé, une perméabilité entre le système conscient (niveau où la réalité se perçoit, logique), préconscient (accessible au conscient partiellement, fantasmes, sentiments, stockages dans la mémoire) et l’inconscient (non accessible au conscient, lecture singulière et détournée).

L’écriture automatique est un exercice autour de l’art-thérapie que je préconise vivement, mais il est vrai qu’il est plus aisé de le découvrir dans un travail d’accompagnement. Car nous sommes souvent, trop souvent, au service de nos pensées inconscientes, ou même préconscientes, et non à celui de notre SOI qui n’est, je le rappelle, ni conscient, ni inconscient, ni préconscient, juste indestructible et ouvert… Alors, quelle aventure de pouvoir exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée et non de nos pensées.

Main – Jean-Yves Pinet

Conclusion

Gratitude à tous les voyageurs et les explorateurs, d’un monde souvent fermé aux réelles découvertes du SOI, processus universel et non individuel, paradoxe… ! Quoi qu’on en dise, il nous faut nous extraire de ces postures consuméristes et atrophiées de nous-mêmes, en sachant que nous ne sommes jamais de bons psychologues pour nous-mêmes et qu’il nous faut savoir observer pour renaître à SOI…

C.R. avec joie et amour pour la vie.

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